Prêter de l’argent à un proche: 10 conseils pour vous guider

Prêter ou ne pas prêter de l’argent à un proche? Telle est la question.

Avec l’augmentation du coût de la vie, la montée des taux d’intérêt et ce qu’on appelle désormais l’«inéquité générationnelle», il devient de plus en plus fréquent d’entendre parler de parents qui aident financièrement leurs enfants. Que ce soit pour l’achat d’une première maison ou pour un petit prêt personnel, cette aide peut parfois sembler inévitable.

Au Québec, de nombreux parents ont bénéficié de l’essor des valeurs immobilières, des généreux fonds de pension, d’un marché de l’emploi dynamique et des placements boursiers au cours de la dernière décennie. Ce contexte a conduit certains jeunes ou proches à solliciter un soutien financier. Face à cette situation délicate, comment prendre une décision financière avisée tout en préservant les relations affectives?

Voici 10 conseils pour vous guider dans la décision de prêter ou non une somme d’argent à un proche:

  1. Déterminer à quoi servira l’argent.
  2. Évaluer la situation financière de l’emprunteur.
  3. Faites le point sur votre situation financière.
  4. Exiger de votre emprunteur un budget.
  5. Fixer les termes du remboursement avant d’effectuer le prêt.
  6. Considérer l’instauration d’un taux d’intérêt.
  7. Évaluer les risques pour votre relation.
  8. Constater le tout par écrit.
  9. Obtenir un bien en garantie ou une caution.
  10. Connaître la prescription possible d’une dette.

Voyons maintenant chacune des pistes qui vous aideront à prendre la décision de prêter ou non une somme d’argent à un proche:

  1. Déterminer à quoi servira l’argent
    Dans notre quotidien, nous avons la liberté de faire ce que nous voulons avec notre argent. Cependant, lorsqu’on sollicite une aide financière, il est légitime pour le prêteur de vouloir savoir à quoi les fonds seront utilisés. Il y a une grande différence entre régler les dettes d’un nouvel amoureux et financer une réparation urgente de toiture.
  2. Évaluer la situation financière de l’emprunteur
    Cette étape est cruciale et délicate. Elle exige une grande transparence de la part de l’emprunteur et peut donner au prêteur une impression de voyeur. Pourtant, il est essentiel de connaître les dettes, les actifs et le budget de l’emprunteur pour s’assurer que l’aide financière est utilisée de manière efficace. Un prêt destiné à rembourser une dette de 2000$ alors que la personne en doit 20 000$ à d’autres créanciers risque de n’être qu’un pansement sur une plaie ouverte.

    Aussi, tenir compte des actifs de l’emprunteur et savoir s’ils sont entièrement payés permet de s’assurer des besoins réels. Par exemple, si l’enfant possède une moto payée et préfère vous emprunter 5000$ plutôt que de vendre cette moto, cela peut être un signe qu’il n’est pas prêt à faire des sacrifices pour se sortir de son impasse financière.
  3. Faites le point sur votre situation financière
    Il est crucial de faire la distinction entre prêter de l’argent que vous avez et dont vous n’aurez pas besoin à court terme, et prêter de l’argent que vous devez emprunter. Comme on nous le rappelle dans les avions, il est essentiel de mettre son propre masque à oxygène avant d’aider les autres; de même, votre décision de prêter de l’argent ne doit jamais compromettre votre propre sécurité financière.

    Trop souvent, des parents, par gêne ou par souci de ne pas admettre un manque de ressources, acceptent de prêter à leurs enfants. Cependant, ce faisant, ils risquent de se mettre dans une situation financière précaire. Dans la plupart des cas, l’emprunteur ne demanderait pas d’aide s’il savait que cela mettrait ses parents en difficulté. Assurez-vous que votre décision de prêter ne vous place pas vous-même dans une situation précaire. Priorisez votre propre santé financière avant de vous engager dans une aide financière pour quelqu’un d’autre.
  4. Exiger de votre emprunteur un budget
    Pour aider efficacement un proche, la demande de prêt peut être l’occasion idéale pour l’aider à faire le point sur ses finances. La clé d’une gestion financière saine est un budget bien travaillé et mis à l’épreuve du temps. Votre proche sait-il combien il gagne chaque mois et, surtout, combien il dépense? Un budget déficitaire est souvent à l’origine des problèmes financiers. Lorsqu’un budget est déficitaire, l’accès au crédit devient une solution facile pour combler le manque à gagner, mais ce crédit a un coût. Chaque emprunt supplémentaire augmente les frais et alourdit le déficit mensuel. C’est ainsi que plus de 40% des personnes qui nous consultent se retrouvent, après plusieurs années, avec des dettes de 30 000$ ou plus sur leurs cartes et marges de crédit.
  5. Fixer les termes du remboursement avant d’effectuer le prêt
    Discutez des modalités de remboursement avant de prêter de l’argent. Privilégiez un remboursement mensuel plutôt qu’une promesse vague, comme celle d’un remboursement après la réception d’un bonus ou d’une paie de vacances. Celles-ci sont souvent peu fiables car il est courant que d’autres besoins financiers surgissent en cours de route, ce qui peut entraîner des retards dans le remboursement. En revanche, les paiements mensuels permettent à l’emprunteur de s’adapter à une nouvelle réalité budgétaire. Plus rapidement il commencera à rembourser, plus vite il apprendra à vivre sans l’argent emprunté, ce qui l’aidera à réajuster ses dépenses en fonction de ses ressources réelles.
  6. Considérer l’instauration d’un taux d’intérêt
    Exiger un taux d’intérêt peut sembler inconfortable, mais il y a plusieurs avantages. Il compense la perte potentielle de rendement si vous prêtez de l’argent que vous auriez pu investir ailleurs. De plus, le calcul d’un taux d’intérêt peut inciter l’emprunteur à rembourser plus rapidement et lui faire comprendre que le crédit n’est jamais gratuit, même lorsqu’il est accordé par un proche.
  7. Évaluer les risques pour votre relation
    Prêter de l’argent à un proche introduit une dynamique créancier-emprunteur qui peut compliquer les relations. Établir des règles claires à l’avance, comme le fait de ne pas acheter certains biens ou de limiter les voyages avant le remboursement complet, peut aider à éviter des conflits futurs. Comme dans bien des sphères de la vie, la gestion des attentes est la clé pour maintenir une saine relation.
  8. Constater le tout par écrit
    Peu importe le lien familial, il est essentiel de formaliser le prêt par écrit. Ce document doit préciser qu’il s’agit d’un prêt, les conditions de remboursement, et, le cas échéant, le taux d’intérêt. Cela facilite la gestion du prêt et peut servir de preuve en cas de proposition de consommateur, de faillite ou de litige. Pour éviter de telles complications, il est recommandé de consulter un conseiller juridique, surtout si les montants en jeu sont importants.

    Pour les mêmes raisons, il est préférable de verser le prêt par chèque ou par un mode électronique plutôt qu’en espèces. Si vous remettez de l’argent comptant et que l’emprunteur décide de l’utiliser sans le déposer dans son compte bancaire, il pourrait être difficile de prouver l’existence du prêt en cas de faillite ou de litige.
  9. Obtenir un bien en garantie ou une caution
    Pour les prêts importants, l’obtention d’une garantie peut offrir une protection supplémentaire. Cela peut inclure une hypothèque sur un actif tel un véhicule ou une maison, permettant d’être remboursé en priorité en cas d’insolvabilité ou de non-remboursement. Une caution consiste à faire garantir le remboursement du prêt par une autre personne en cas de défaut de paiement de l’emprunteur.
  10. Connaître la prescription possible d’une dette
    Les dettes peuvent parfois devenir irrécupérables simplement en raison du temps qui passe sans activité (c.a.d. paiements, reconnaissance de dette, etc.). On parle alors de «prescription» et cela peut se produire après seulement 3 années d’inactivité. Il est important de se renseigner sur les lois spécifiques et de consulter si nécessaire un avocat ou un notaire pour éviter des surprises.

Enfin, selon notre expérience, les situations de non-remboursement résultent rarement d’un manque de volonté de la part de l’emprunteur. Dans la plupart des cas, c’est plutôt un problème de capacité financière. Lorsque vous décidez de prêter de l’argent, il est donc crucial de prendre une décision rationnelle et de ne pas se laisser influencer par des pensées telles que «mon fils ou ma fille ne me mettra jamais dans le trouble.»

Nous comprenons que cette décision implique des considérations personnelles importantes telles que la famille, l’entraide et la fierté. Ces conseils n’ont pas la prétention de vouloir vous aider dans une prise de décision finale mais visent plutôt à vous sensibiliser aux pièges potentiels. Une discussion honnête et ouverte avec l’emprunteur est essentielle pour limiter les risques de tensions et de litiges futurs.

Pour toute question ou pour plus de conseils, n’hésitez pas à nous contacter.

Par Pierre Fortin
Jean Fortin & Associés
Conseiller en finances personnelles
Syndic autorisé en insolvabilité